Contexte

Plus d’un français sur dix détient des actifs numériques en 2023. Alors que le nombre de détenteurs de crypto-actifs stagne dans les pays voisins, ce chiffre est en constante croissance en France.

Cette évolution accompagne l’essor d’un secteur désormais bien établi en France, avec un maillage d’entreprises incluant de nombreuses start-ups et des acteurs majeurs à dimension internationale.

La France a pu faire valoir un certain nombre d’atouts pour attirer les entreprises et favoriser le développement de projets Web 3.0. Elle a notamment créé un cadre juridique ad hoc applicable aux services sur cette nouvelle catégorie d’actifs.

De plus, dès 2019, il a été établi un régime fiscal innovant fixant les règles d’imposition des plus-values d’actifs numériques réalisées par les particuliers.

Ce régime, prévu à l’article 150 VH bis du Code général des impôts, a été conçu avec pour objectif de simplifier les déclarations des contribuables ainsi que le suivi des opérations par l’administration fiscale. Sa principale particularité est la neutralisation des opérations d’échanges entre actifs numériques qui s’analysent comme des opérations intercalaires. Le contribuable n’est donc imposable que lors de la vente des actifs numériques contre de la monnaie officielle ou lors de l’utilisation des crypto-actifs pour acquérir des biens ou des services.

Pour autant, ce cadre fiscal est resté essentiellement inchangé depuis cette première étape alors que les nouveaux usages et les pratiques se sont considérablement diversifiés ces dernières années.

Ainsi, l'étude 2024 menée par KPMG et l'Institut Ipsos pour l'Adan révèle qu'une plus grande proportion de Français (34%) juge que la fiscalité est inadaptée aux crypto-actifs par rapport à celle des pays voisins. Comparativement, seules 21% des Britanniques, 23% des Allemands et des Neerlandais ou 30% des Italiens sondés estiment que leur fiscalité nationale n'est pas pas appropriée à ce type d'investissement.

A ce défi, s’ajoutent ceux des entreprises qui ont recours à des pratiques de plus en plus innovantes en utilisant des actifs numériques. Ces innovations, qui permettent à l’entreprise de se financer sur le marché ou d’attirer des talents, sont parfois difficilement appréhendées par les règles existantes et le cadre fiscal est source de nombreuses incertitudes.

Le présent rapport vise à mettre en lumière certaines de ces difficultés en vue de proposer des solutions concrètes pour adapter le cadre fiscal et comptable applicable aux crypto-actifs en France. Il s’appuie sur l'analyse des pratiques et sur les difficultés constatées par le secteur. Il s'attache à ce titre à proposer des recommandations concrètes afin de renforcer la sécurité juridique des contribuables et la lisibilité de la norme fiscale.

Fiscalité des attributions d’actifs numériques aux contributeurs d’un projet 

La blockchain et les crypto-actifs offrent des mécanismes particulièrement innovants au service des entreprises. La création de jetons, entièrement paramétrables, peut être utilisée pour financer des projets, faire fonctionner des services ou encore pour intéresser directement des parties prenantes à un projet et attirer des talents.

La valeur des jetons émis est liée aux nombreux paramètres entourant l’émission des jetons et est souvent liée à la réussite de l’entreprise.

L'accessibilité et l'attractivité de ce mécanisme permettent à un nombre grandissant d’investisseurs de soutenir des entreprises auxquelles ils croient, de participer à leur financement et, par ce biais, à la dynamisation de l'économie.  

Parallèlement, il est courant dans le secteur du Web 3.0 que les personnes contribuant au développement du projet de l'entreprise (des développeurs informatique, par exemple) soient récompensées par des jetons. Parmi ces contributeurs, ceux ayant le statut de salarié sont toutefois généralement exclus de cette forme d'intéressement en raison des incertitudes qui pèsent sur son traitement fiscal et social de ces attributions. 

En effet, pour les salariés, l'attribution de jetons est considérée comme un avantage en nature pour lequel le paiement des charges sociales intervient immédiatement. Or, si cette attribution est réalisée par l'entreprise alors que le projet est à un stade préparatoire ou que les jetons ne sont pas listés sur des places de marché, il est très difficile de les valoriser et le salarié souhaite en général les conserver pour accompagner durablement le projet de l’entreprise.

De plus, les jetons attribués peuvent être incessibles pendant une période de blocage (communément appelée “vesting”) durant parfois jusqu’à trois ans. Cette pratique est cohérente avec la volonté d’inscrire durablement sa participation dans le projet de l’entreprise.

Entre la date d’attribution et la date de leur déblocage, la valeur des jetons peut varier fortement. L’entreprise fait donc face à une grande incertitude sur les charges correspondantes si la valeur de l’avantage en nature soumis aux cotisations sociales est déterminée à la date de libre disposition des jetons (ou pire, à la cession de ces jetons par le salarié).

Ces considérations conduisent les personnes salariées à être régulièrement exclues des dispositifs d'attribution de jetons, alors que ce mécanisme vise à récompenser l'ensemble des individus ayant contribué au succès d'une entreprise.

Afin de permettre aux salariés de percevoir des jetons, l’Adan suggère la sécurisation des conséquences fiscales et sociales d’un plan d’attribution de jetons par une entreprise au profit des salariés, prestataires et fondateurs.

Afin d’apporter plus de sécurité juridique, il pourrait être envisagé de mettre en place un modèle d’accord, dont les conséquences auraient fait l’objet d’un avis de l’URSSAF et de l’administration fiscale. Le modèle pourrait prévoir une attribution des jetons aux salariés selon des critères objectifs (par exemple, une attribution objective selon conditions d’ancienneté, de rémunération, modalités de vesting identiques, etc.) et définir une méthode de valorisation des jetons fixée définitivement à la date du plan d’attribution.

L’objectif serait de statuer sur les conditions à respecter par une entreprise pour avoir un plan d’attribution de jetons et d'en fixer les conséquences fiscales et sociales. Il est à ce titre proposé le dispositif suivant :

 

Est considéré comme un avantage en nature soumis à l’impôt sur le revenu des personnes physiques et aux cotisations sociales l'attribution de jetons dont la valeur est celle de la date à laquelle l'entreprise les attribue.

  • Si les jetons sont attribués au salarié avant la première mise en vente auprès du grand public, ils devraient pouvoir être valorisés à leur coût de revient par la société et de prendre en compte la période de blocage. 
  • Si les jetons sont soumis à un vesting, c’est-à-dire qu’ils sont bloqués pendant une période donnée, l’avantage en nature est imposable à l’issue de cette période de blocage, pour la valeur que les jetons avaient à la date d’attribution. 
  • Les plus-values réalisées en cas de cession ultérieure des jetons par le salarié sont imposées conformément à l’article 150 VH bis du CGI (régime fiscal des actifs numériques), étant précisé que le prix d’acquisition est augmenté de la valeur de l’avantage en nature. 

Une telle solution contractuelle, avec des conséquences sécurisées par les pouvoirs publics (URSSAF, administration fiscale), permettrait de donner suffisamment de lisibilité pour que les sociétés émettrices puissent recourir à des attributions à leurs salariés.

Fiscalité des ventes de jetons par un émetteur

Les offres au public de jetons (ou Initial Coin offerings en anglais, ICO) demeurent un mécanisme de financement innovant très utilisé dans le secteur Web 3.0 et qui gagnerait à se démocratiser dans d'autres industries pour stimuler la croissance des entreprises. Une ICO peut être définie comme « une opération de levée de fonds par laquelle une société ayant un besoin de financement émet des jetons, aussi appelés “tokens”, auxquels les investisseurs souscrivent principalement avec des crypto-monnaies. Ces jetons peuvent leur permettre d’accéder, dans le futur, à des produits ou services de cette société.»

Ce type d’opération comporte de nombreux avantages tant pour les entreprises que les investisseurs et dispose aujourd’hui d’un cadre juridique et comptable établi. Pour autant, avec le développement de cette pratique, des incertitudes sont apparues, notamment sur leur traitement fiscal. 

La reconnaissance du produit de la vente de jetons 

Le règlement de l'Autorité des normes comptables (“ANC”) n° 2018-07 du 10 décembre 2018 a défini un cadre pour le traitement comptable des opérations d'émission de jetons. En effet, l’émetteur des jetons doit comptabiliser les sommes perçues en contrepartie la vente desdits jetons selon les droits et obligations qui y sont attachés (article 619-4 du Plan comptable général).

⇒ Trois situations sont prévues à ce titre : 

  • Si les jetons présentent les caractéristiques d’une dette remboursable, ils sont comptabilisés en emprunts et dettes assimilées ;
  • Si les jetons sont représentatifs de prestations restant à réaliser ou de biens restant à livrer, au titre d’un engagement explicite ou implicite de l’émetteur, ils sont comptabilisés en produits constatés d’avance ;
  • A défaut, s’il n’existe pas d’obligations explicites ou implicites, les sommes collectées sont considérées comme définitivement acquises par l’émetteur et sont comptabilisées en produits.

Bien souvent, l’émetteur s’engage auprès des acquéreurs, de manière implicite, au développement d’une plateforme, d’un protocole ou d’une offre de services. Il publie à cette effet un livre blanc (ou « whitepaper » en anglais) détaillant l’opération d’émission ainsi que ses objectifs. 

L’ANC, dans ses commentaires infra-réglementaires, confirme qu’un tel engagement doit conduire l’émetteur à enregistrer les sommes collectées en contrepartie de la vente des jetons en tant que « produits constatés d’avance ». Ce traitement est conforme à l’esprit d’une émission de jetons servant au financement d’un projet à long terme. Pour autant, des doutes demeurent sur la méthode à retenir pour la reconnaissance de ces produits. 

Le développement d’un projet Web 3.0 peut être long et complexe, ce qui justifie que le financement par émission de jetons soit une méthode privilégiée. Le projet technologique développé sur plusieurs années conduit à la réalisation de services complexes. Il se rapproche en cela d’un contrat à long terme, tel que défini par l’article 622-1 du Plan comptable général. La méthode comptable préférentielle pour les contrats à long terme est la comptabilisation « à l’avancement », au fur et à mesure de l’engagement des dépenses par rapport au budget de développement initial. Cette méthode est également la plus cohérente avec la réalité économique d’un financement d’un projet technologique de grande ampleur, les sommes attribuées ayant vocation à servir exclusivement à des investissements qui ne produisent aucune richesse immédiate pour l’entreprise. Lorsque cette méthode est retenue sur le plan comptable, le principe de connexion fiscalo-comptable devrait lui faire produire tous ses effets sur le plan fiscal.

Pourtant, la comptabilisation selon cette méthode ne paraît être admise fiscalement qu’à titre de tolérance par l’administration, pour les entreprises de construction et de travaux publics, et les entreprises de construction navale (BOI-BIC-PDSTK-10-10-10 n° 180).

Afin d’être plus fidèle à la réalité économique de l’opération de financement et de développement du projet, il conviendrait de reconnaître les effets fiscaux de la méthode préférentielle de comptabilisation “à l’avancement”, lorsque celle-ci est retenue par l’entreprise sur le plan comptable.

En outre, cette méthode permettrait de mettre en cohérence la charge fiscale supportée par l’entreprise avec la réalité de son enrichissement lorsque les sommes collectées sont destinées à financer des investissements à long terme.

Fiscalité des particuliers 

L’imposition des produits issus de la participation au fonctionnement d’une blockchain

Le minage est l’activité qui consiste à sécuriser le réseau et à valider les transactions en échange de récompenses perçues sous forme d’actifs numériques attribués directement par le protocole. Cette activité est essentielle au fonctionnement de la blockchain et repose sur l’intervention d’utilisateurs dénommés validateurs (ou mineurs). 

Le traitement fiscal des récompenses de l'activité de minage a fait l’objet de différentes évolutions depuis sa première apparition dans la doctrine administrative en 2014 et a suscité un certain nombre d'interrogations concernant le moment et le régime auquel les revenus sont imposés.

La décision du Conseil d’État du 26 avril 2018 (8ème - 3ème chambres réunies, 4178092) a ensuite clarifié que les revenus issus de la cession de récompenses de minage relèvent des Bénéfices Non Commerciaux (BNC). Cette décision apporte donc implicitement des précisions concernant le moment où ces revenus doivent être considérés comme disponibles et donc imposables, la cession constituant le fait générateur de l’imposition en BNC. 

Toutefois, cette décision est intervenue avant le régime fiscal de cession des actifs numériques de l’article   150   VH   bis   du   Code   général   des   impôts, qui est silencieux sur la question des revenus du minage. Aujourd'hui, l'articulation entre les deux régimes et l'évolution des pratiques sur les marchés de crypto-actifs ont de nouveau fait émerger des questions sur le fait générateur et le régime d'imposition à retenir pour cette activité. 

Cette situation d'incertitude est préjudiciable tant aux contribuables qu'à l’administration et est source de contentieux. 

Clarifier le régime applicable aux activités associées au minage apparaît donc nécessaire afin d’éviter tout litige et de préserver la compétitivité de la France dans le domaine du Web 3.0. Une telle démarche requiert toutefois d'analyser avec précision les comportements des détenteurs d'actifs numériques et de mieux définir les activités couvertes par la notion de minage, ou de « participation au fonctionnement du système » selon la terminologie utilisée en 2018 par le Conseil d'État. 

Une distinction à opérer entre les exploitants et les participants passifs

Pour valider et sécuriser les transactions sur une blockchain, plusieurs méthodes sont utilisées. Sur la blockchain Bitcoin par exemple, la sécurisation du réseau est réalisée grâce au minage, avec un mécanisme de consensus par « Preuve de travail ». Dans ce cas, la seule personne qui valide le bloc de transactions reçoit la récompense. 

Plus récemment, la méthode de validation par mécanisme de « Preuve d’enjeu »  (ou proof-of-stake en anglais), dite également staking, est apparue. Cette méthode, notamment utilisée sur la blockchain Ethereum, nécessite de placer un dépôt en actifs numériques (ou stake)  pour pouvoir être désigné validateur par le protocole.

En pratique, le staking fait intervenir deux catégories de participants percevant des récompenses : 

  • les validateurs qui vérifient les transactions, avec leurs propres ressources, et
  • les participants indirects qui mettent seulement en dépôt des crypto-actifs auprès des validateurs via le protocole, sans procéder directement à la validation des transactions et à la création des blocs.

Dans les questions réponses publiées par l'Autorité européenne des marchés financiers (ESMA) quant à l'application du règlement sur les marchés de crypto-actifs (MiCA), une distinction est faite entre différents types de staking. Il est notamment souligné que dans certains cas, également connus sous le nom de staking-as-a-service, le service staking est fourni à titre onéreux par des intermédiaires qui s'engagent à mettre en jeu les crypto-actifs pour le compte de leurs clients. Dans cette situation, l'autorité indique que les clients engagent leurs actifs dans une réserve de liquidité (ou pool de liquidité) en échange d'un rendement.

Si le terme « staking » désigne communément la participation, directe ou indirecte, à la sécurisation et au fonctionnement d’une blockchain par un mécanisme de sécurisation via preuve d’enjeu, la distinction entre les participants actifs (validateurs) et les participants passifs n'en est pas moins fondamentale d'un point de vue juridique et fiscal. 

La rémunération du participant indirect correspond à la rémunération d’une mise à disposition d’actifs numériques et non à une activité exploitée. 

Le régime des BNC ne paraît donc pas adapté à ce cas  qui doit être traité différemment sur le plan fiscal pour assurer un cadre lisible et simple. Nous avons notamment relevé les difficultés suivantes.

L'Adan suggère de réviser la doctrine fiscale actuelle, perçue comme ambiguë, aussi bien pour les contribuables que pour le développement de la finance décentralisée. Elle préconise une distinction nette entre les activités de validation active et les participations passives dans  le processus de validation des transactions en actifs numériques.

Le régime des BNC est adapté aux revenus d’activité. Or, le revenu passif du participant indirect correspond à la rémunération de la mise à disposition d’actifs numériques et non à une activité. Dès lors, si l'imposition dans la catégorie des BNC est adaptée aux activités lucratives directes, telles que celles exercées par les validateurs, elle ne l’est pas pour les contribuables qui n'interviennent pas directement dans la validation des transactions. Ces derniers, par leur simple mise à disposition d'actifs pour la validation, devraient être soumis au régime d'imposition à la cession, ce qui serait en ligne avec l'objectif de simplification et de clarté fiscale souhaité par le législateur et reflété dans l'article 150 VH bis.

Une complexité du marché des crypto-actifs qui invite à opter pour un cadre simple et lisible pour le contribuable

⇒ Un enjeu de simplification et de lisibilité de la loi fiscale 

L’imposition des récompenses dans la catégorie des BNC à la date de perception impose au contribuable un suivi de chaque transaction et une valorisartion en temps réel. 

Un tel suivi comptable, s’il se comprend pour un exploitant d’une activité lucrative, est très complexe à mettre en oeuvre pour un particulier.

Pour les participants indirects, ces récompenses sont des revenus passifs générés sans intervention de leur part. Ils peuvent en recevoir plusieurs centaines par jours, pour des montants parfois très modestes.  

La fréquence des opérations d’échange a conduit le législateur à les neutraliser pour les particuliers. Dans cette même démarche de simplification, reporter l’imposition des récompenses à la cession des actifs numériques, comme le suggère le Conseil d’Etat, serait une solution pragmatique, efficace et conforme à l’esprit du régime fiscal des crypto-actifs. 

Il faut rappeler que pour la majorité des contribuables, ces revenus peuvent représenter des milliers de transactions par an pour un revenu global annuel souvent très faible. 

⇒ Une volatilité des cours qui risque de sanctionner des utilisateurs dégageant des revenus passifs dans le cadre d’investissement à long terme

Pour les participants indirects, la mise en dépôt est une opération d’investissement plus qu’un placement à court terme.

La   très   forte   volatilité   des   cours   peut   conduire   à   pénaliser   les   contribuables   pour   la   période   entre   la perception et la cession des récompenses. Alors qu’ils sont imposés immédiatement à la perception, ils n’ont   pas   les   fonds   en   euros   pour   faire   face   à   l’impôt,   sauf   à   procéder   à   une   cession   immédiate   et régulière des crypto-actifs.

En raison de l’évolution des méthodes de minage, de la fréquence toujours plus élevée des transactions sur les marchés de crypto-actifs et de la volatilité des cours, imposer les récompenses liées à chaque transaction au moment de leur perception poserait de nombreuses difficultés, aussi bien pour les contribuables que pour l'administration fiscale. 

Dès lors, l'Adan suggère de fixer l’imposition des récompenses à la cession, pour les particuliers participant de manière passive au minage. Cette manière de procéder aurait pour effet de faire coïncider l’imposition avec la perception du revenu en euros, dans l’esprit de la solution retenue par le législateur pour l’article 150 VH bis du CGI. Cela constituerait également une solution de simplification conforme à l’esprit du régime ad hoc dudit article, lequel prévoit de différer l’imposition des revenus des échanges entre crypto-actifs à leur date de cession. 

Enfin, cette approche simplifierait la déclaration fiscale pour les contribuables, tout en maintenant l'intégrité du processus fiscal.

⇒ Une solution qui permet d’appréhender les nouveaux cas d’usage liés au liquid staking

Les jetons de staking liquides (“LST”) représentent un développement récent dans le domaine des actifs numériques, conçus pour réduire l'exposition des utilisateurs aux incertitudes des revenus issus du minage. 

Ces jetons ont une valeur qui représente pour partie l’évolution des cours d’un actif numérique de référence et pour partie l’évolution des récompenses de staking attachés à cet actif. Ainsi, la valeur du LST augmente en fonction des récompenses, sans que son détenteur ne les perçoive directement.

Dans le cadre d’un échange ou d’une cession d’un LST, l’imposition des récompenses à la perception impliquerait de déterminer précisément la proportion attribuable aux récompenses et celle liée à l’évolution du cours, ce qui se révèle en pratique très complexe tant pour les contribuables que pour l'administration fiscale en charge de contrôler les déclarations.

En raison de l’évolution des méthodes de minage, de la fréquence toujours plus élevée des transactions sur les marchés de crypto-actifs et de la volatilité des cours, imposer les récompenses liées à chaque transaction au moment de leur perception poserait de nombreuses difficultés, aussi bien pour les contribuables que pour l'administration fiscale. 

Dès lors, l'Adan suggère de fixer l’imposition des récompenses à la cession, pour les particuliers participant de manière passive au minage. 

Cette manière de procéder aurait pour effet de faire coïncider l’imposition avec la perception du revenu en euros, dans l’esprit de la solution retenue par le législateur pour l’article 150 VH bis du CGI. 

Cela constituerait également une solution de simplification conforme à l’esprit du régime ad hoc dudit article, lequel prévoit de différer l’imposition des revenus des échanges entre crypto-actifs à leur date de cession. 

Enfin, cette approche simplifierait la déclaration fiscale pour les contribuables, tout en maintenant l'intégrité du processus fiscal.

Pour les validateurs exploitant directement une activité de minage, les récompenses seraient imposables en BNC dès leur perception.

Une nécessaire adaptation du régime de cession 

Pour les validateurs exploitant en direct une activité de minage, la taxation des récompenses ferait ainsi en deux temps.

Le fonctionnement est le suivant : 

  • Lors   de   la   perception   des   récompenses,  le   gain   correspondant   à   la   valeur   des   crypto-actifs   à   la   date   de perception est imposable dans la catégorie des BNC ;
  • Lors de la cession de ces crypto-actifs, une plus-value est imposable en application des règles de l’article 150 VH bis du CGI (imposition au taux global de 30%).

En cas de variation des cours à la baisse entre ces deux évènements, l’imposition à la perception des récompenses de staking expose les contribuables à une perte sèche, voire au paiement d’un impôt supérieur à la récompense réellement perçue. Or, si ce risque peut être encouru dans le cadre d’autres types d’investissements, le régime fiscal des crypto-actifs est spécifique en ce qu’il ne permet pas au contribuable de reporter ses moins-values. 

⇒ Ex : En avril 2023, Adrien fait un dépôt en staking et reçoit 1,5 ethers de récompense d'une valeur marchande de 2 250 € qu'il décide de conserver dans son portefeuille d'actifs numériques. En 2024, la valeur de l'ether a chuté à 700 €. Adrien ne possède donc plus que 1 050 € liés au staking, pour autant, il reste imposable en BNC sur la somme de 2 250 € de revenus supposés enregistrés en 2023. Adrien ne pourra par ailleurs pas faire valoir sa moins-value en l’imputant sur d'autres éventuelles plus-values. 

L’Adan a d’ailleurs déjà porté cette problématique à l’attention du législateur lors de précédents débats budgétaires. Afin de contenir un tel risque, il apparaîtrait nécessaire de revoir l’articulation fiscale entre les potentielles pertes enregistrées par l’imposition à la perception des récompenses de staking d’une part, et le non report des moins-values enregistrées à la cession des crypto-actifs d’autre part.

Pour mettre en cohérence ces deux régimes, il convient d’admettre la déductibilité des moins-values de cession d’actifs numériques (i) sur le revenu global, en particulier lorsque cette moins-value provient de la cession de récompenses et (ii) sur les plus-values des années postérieures.

Traitement fiscal des jetons de monnaie électronique 

Afin de pallier la volatilité des cours, le marché des crypto-actifs a vu naître des stablecoins, type de crypto-actif conçu pour maintenir une valeur stable, généralement adossé à une monnaie fiduciaire unique.

Les stablecoins sont des actifs numériques selon le droit français

L’article L.54-10-1 du Code monétaire et financiers (CMF) définit les actifs numériques comme « Toute représentation numérique d'une valeur qui n'est pas émise ou garantie par une banque centrale ou par une autorité publique, qui n'est pas nécessairement attachée à une monnaie ayant cours légal et qui ne possède pas le statut juridique d'une monnaie, mais qui est acceptée par des personnes physiques ou morales comme un moyen d'échange et qui peut être transférée, stockée ou échangée électroniquement. »  

En France, les stablecoins  (crypto-actifs dont la valeur est stable car il est adossé à une monnaie ayant cours légal ou à d'autres actifs) répondent donc à la définition des actifs numériques. Du point de vue fiscal, cela induit que l'échange d'un stablecoin contre un autre actif numérique est fiscalement neutre. C'est d'ailleurs tout le fondement du régime fiscal des actifs numériques créé en 2019 : les opérations ne sont pas fiscalisées tant qu'elle reste dans l'économie virtuelle, elles le sont lorsque l'investisseur rapatrie ses fonds dans l'économie réelle. 

Certains stablecoins sont des crypto-actifs selon le règlement européen MiCA

Fortement inspiré du régime français établi en 2018, le règlement européen sur les marchés de crypto-actifs (MiCA) entrera en application en décembre 2024. Le secteur français du Web 3.0 se réjouit à la perspective de cette harmonisation européenne.  

Le règlement MiCA liste différents types de crypto-actifs parmi lesquels figurent les stablecoins, sous-divisés en deux catégories : 

  • les jetons de monnaies électronique (ou Electronic Money Token, EMT) lorsque que le stablecoin est adossé à une monnaie ayant cours légal ; 
  • les jetons se référant à des actifs (Asset Refrenced Tokens, ART) lorsqu'ils sont adossés à d'autres actifs. 

Dans le contexte de ce rapport, nous nous intéresserons uniquement aux jetons de monnaies électroniques, qui sont définis comme suit dans le règlement MiCA : « un type de crypto-actif qui vise à conserver une valeur stable en se référant à la valeur d’une monnaie officielle ».

MiCA reconnaît ainsi que les EMTs sont pleinement des crypto-actifs, qu'il faut distinguer de la monnaie électronique. Le texte précise même que « malgré leurs similitudes, la monnaie électronique et les crypto-actifs se référant à une monnaie officielle diffèrent sur certains aspects importants. »

Par conséquent, les jetons de monnaie électronique ne doivent pas être considérés comme de la monnaie électronique ou comme des fonds, et l'entrée en application du règlement MiCA ne devrait - en toute logique - pas avoir d'impact sur l'application du régime prévu par l’article 150 VH bis du CGI, à savoir que l'échange d'un crypto-actif contre un autre crypto-actif est fiscalement neutre.

Les jetons de monnaie électronique ne doivent pas être considérés de manière extensive comme de la monnaie électronique

D'autres débats en cours à l'échelle communautaire suscitent l'inquiétude du secteur, notamment s'il venait à entraîner des conséquences fiscales. 

En effet, la Commission européenne a soumis le 28 juin 2023 une proposition de révision de la Directive sur les services de paiement (DSP) et l'établissement d'un Règlement sur les services de paiement (RSP) afin d'unifier le cadre réglementaire des services de paiement au sein de l'Union européenne. Or, sans tenir compte des nuances nécessaires apportées par le règlement sur les marchés de crypto-actifs (MiCA), ces textes assimilent de manière extensive les jetons de monnaie électronique (EMT) à de la monnaie électronique. 

Il résulterait d'une telle approche l’assimilation des EMT à des « fonds ». Cette assimilation est problématique en ce qu’elle ne correspond pas à la réalité des EMT et aux régimes juridiques et fiscaux applicables aux crypto-actifs. Dans un registre connexe, elle est également susceptible d’engendrer une couche réglementaire supplémentaire pour les émetteurs et les entreprises manipulant des EMT, alors même qu’ils sont déjà soumis au règlement MiCA. Ce point ne sera cependant pas abordé dans le cadre du présent rapport.

L'Adan appelle à ce que les incertitudes juridiques en cours de débat à l'échelle européenne n'entraînent pas de conséquences à l'échelle française. Le régime fiscal des actifs numériques a été reconnu pour son caractère innovant et, relevant du domaine national, celui-ci ne devrait pas subir de modification en raison de débats communautaires.

 Modifier l’annexe 2086 relative à la déclaration des plus-values 

L’annexe 2086 est à compléter obligatoirement pour déclarer ses plus-values sur Actifs numériques. Elle ne peut contenir qu’un nombre limité d’opérations (5 pour le formulaire au format papier, 20 sur la déclaration en ligne). Ces limitations sont une source de complexité pour les contribuables, dans la mesure où il est fréquent pour un particulier de dépasser ce nombre d’opérations dans l’année.

L’Adan suggère par conséquent que l’administration fiscale modifie son imprimé, au moins en version numérique, pour permettre, pour le moins, une centaine d’opérations dans l’année. Dans ce cadre, il est proposé de : 

  • prévoir expressément la possibilité de regrouper les opérations par journée ou par ordre (plusieurs ordres pouvant générer de nombreuses opérations sur une plateforme) ; ou 
  • introduire une annexe complémentaire qui permettrait un enregistrement plus flexible et détaillé des opérations. Cette annexe faciliterait la gestion des déclarations dépassant les seuils actuels, en offrant la possibilité de documenter toutes les transactions nécessaires sans restrictions de nombre.

À propos de l’Adan 

L’Adan rassemble plus de 200 professionnels - nouveaux acteurs et entreprises établies - qui développent au quotidien l’innovation et les cas d'usage du web décentralisé dans tous les pans de l’économie. En levant les obstacles à leur croissance et leur compétitivité, l’Adan œuvre à l’émergence et au rayonnement des champions français et européens au service de notre souveraineté numérique. L’Adan promeut un encadrement adapté, proportionné et catalyseur de l'innovation, mais aussi une meilleure compréhension des nouvelles technologies blockchain, des crypto-actifs et de leurs opportunités. 

Contacts :  

Faustine Fleuret, Présidente et Directrice Générale - [email protected]
Mélodie Ambroise, Directrice Stratégie et relations institutionnelles  - [email protected]
Alizée Van Den Schrieck, Chargée des affaires juridiques : [email protected] 

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