Introduction

L’année 2020 a été une année riche pour l’industrie des actifs numériques et, malgré l’impact de la crise sanitaire sur l’économie entière, favorable à l’éclosion et au développement de nouveaux acteurs (parmi lesquels l’Adan).

C’est dans ce contexte-ci que l’Adan (Association pour le développement des actifs numériques) a lancé le 6 janvier 2021 une enquête afin de dresser l’état des lieux de l’industrie en France. Les données récoltées ont permis de mettre en lumière l’état actuel du secteur, ses forces, ses faiblesses ainsi que ses besoins futurs.

En synthèse, il résulte du présent rapport que :

  • L’industrie se distingue par sa grande diversité. Si les entités engagées dans des activités sur actifs numériques sont principalement natives du secteur, d’autres appartenant à des filières plus traditionnelles (bancaires et assurantiels, juridiques, informatiques) s’intéressent et participent également à leur développement. Cette diversité illustre le développement de l’industrie dans de multiples domaines d’activité.
  • Dans un contexte économique particulièrement marqué par la crise de la Covid-19, l’industrie française a su rester compétitive en se structurant davantage. En effet, malgré leur jeunesse, leurs effectifs modestes et le faible nombre de levées de fonds réalisées, force est de constater la croissance encourageante qu’ont connue les entreprises du secteur.
  • En outre, la plupart des répondants à l’enquête ont une vision prometteuse de l’avenir du marché et souhaitent développer des projets en France dans les prochaines années. Cependant, l’enquête révèle aussi leur scepticisme sur plusieurs points :
    • D’abord, concernant le cadre réglementaire applicable aux PSAN. De nombreux répondants rencontrent des difficultés dans la constitution de leur dossier d’agrément et/ou d’enregistrement.
    • Puis s’agissant de leur considération par les autres acteurs (privés et publics). Certains répondants témoignent de relations complexes avec les établissements bancaires et les autorités de régulation.
    • Enfin, l’image négative des actifs numériques en France peut parfois nuire à l’épanouissement de l’industrie. La raison principale réside en l’assimilation répandue des actifs numériques à des vecteurs privilégiés de financement du terrorisme et de blanchiment d’argent.
  • Les différents travaux de l’Adan en 2020 ont permis d’accompagner efficacement l’industrie des actifs numériques dans son développement et face à ses différentes problématiques. Bien que récente, l’Adan a su fédérer les acteurs de l’industrie autour de sa volonté d’ériger la France en leader européen en matière d’innovation.

Cartographie des répondants

Le présent rapport est basé sur les réponses non-anonymes de 73 acteurs du secteur des actifs numériques[mfn]Compte tenu du nombre de répondants qui constitue la base statistique de ce questionnaire, la ventilation des réponses examinées dans ce document est, dans certains cas, donnée à titre indicatif (i.e. rapportée à une base 100)[/mfn]. Bien que la plupart des répondants soient membres de l’Adan (59 %), l’enquête s’étend plus largement à l’industrie française et contient des réponses d’autres acteurs.

La grande majorité des répondants sont des entreprises françaises

Secteurs d’activité

À l’exception de quelques acteurs, la plupart des répondants sont des entreprises de droit français. En effet, 92 % des répondants à l’enquête (soit 60 réponses sur 65) ont leur siège social en France. Les autres entreprises quant à elles, sont établies aux États-Unis (3), en Suisse (1) ou au Luxembourg (1).

Les résultats de l’enquête mettent aussi en exergue le fait que 85,5 % des répondants (60 réponses sur 67) souhaitent développer des projets en France dans les prochaines années.

Les secteurs professionnels des répondants sont variés

Logiquement, le premier secteur d’activité représenté dans l’enquête est celui des actifs numériques avec 52 % des entreprises répondantes (cela correspond à 35 réponses sur 67).

Cependant, les répondants ne se limitent  pas strictement au secteur des actifs numériques. En effet, une proportion importante des entreprises qui ont participé à l’enquête appartient à des secteurs professionnels dont l’activité principale ne concerne pas les actifs numériques.

Ainsi, les entreprises bancaires, financières et assurantielles occupent la deuxième position, et représentent 16 % des répondants à l’enquête (soit 11 réponses sur 67).

Une importante partie des répondants à l’enquête se concentrent également sur les secteurs de l’informatique et de l’électronique (9 % des répondants soit 6 sur 67), de l’étude et conseil (7 % des répondants soit 5 sur 67) et du juridique et fiscal (6 % des répondants soit 4 sur 67).

Enfin, une multitude d’autres acteurs (environ 10 % des répondants) complète utilement l’industrie. Ils appartiennent aux secteurs  administratif  (2 répondants), de l’immobilier (1 répondant), de la santé (1 répondant), de la mode et du luxe (1 répondant), de l’énergie (1 répondant) et du transport (1 répondant).

L’industrie est principalement composée de TPE et de PME

En 2020, 62 % des entreprises de l’industrie emploient 10 salariés ou moins (soit 45 répondants sur 73), et 20 % entre 10 et 50 salariés (soit 15 répondants sur 73). À titre de comparaison, seulement 8 % des entreprises de l’industrie comptent plus de 50 salariés (soit 6 répondants sur 73). 

Évolution des effectifs depuis 2018

Cet état de fait illustre la relative jeunesse du secteur crypto français et sa fragilité. Il peut utilement être comparé au développement du secteur au Royaume-Uni, en Suisse ou encore aux États-Unis, où le secteur atteint une taille très significative, impliquant de nombreux acteurs des nouvelles technologies et des paiements.

L’enquête laisse penser que l’industrie française est en croissance. En atteste l’évolution à la hausse des effectifs par entreprise depuis l’année 2018 ; le nombre d’entreprises employant entre 10 et 50 salariés a augmenté (passant de 7 à 10 répondants) au même titre que le nombre d’entreprises employant plus de 50 salariés (passant de 5 à 6). Ces chiffres ne laissent cependant pas encore entrevoir une hypercroissance du secteur en France à cette date.

État des lieux de l’industrie

Une industrie encore récente, qui se stabilise économiquement

Si elles sont majoritairement très jeunes, le panorama des entreprises de l’industrie des actifs numériques est relativement hétérogène.

57,5 % (42 entreprises sur 73) des acteurs, soit plus de la moitié des répondants, ont réalisé entre 500 000 euros et 1 million d’euros de chiffre d’affaires. Quelques acteurs (environ 7 % soit 5 répondants sur 73) quant à eux ont réalisé jusqu’à 10 millions d’euros de chiffre d’affaires. 

Évolution du chiffre d’affaires depuis 2018

À titre de comparaison avec les années précédentes, il apparaît que depuis 2018, le nombre de d’entreprises de l’industrie effectuant plus d’un million d’euros a constamment augmenté, et ce malgré les impacts de la crise de la COVID-19 sur l’économie entière.

Si la majorité des répondants ont un chiffre d’affaires encore relativement faible (inférieur ou égal à 1 million d’euros), ceci s’explique par leur courte existence comparativement à d’autres secteurs. En effet, la plupart des répondants à l’enquête sont des entreprises de moins de 10 ans. D’ailleurs, environ 16 % des acteurs de l’industrie n’ont pas encore clôturé d’exercice comptable.

L’enquête montre ainsi que l’industrie est majoritairement composée d’entreprises récentes. En effet, 83 % (soit 56 réponses sur 67) des répondants à l’enquête (soit 55 sur 66) sont des sociétés de 5 ans ou moins. De surcroît, il apparaît à l’issue de l’enquête que les 11 acteurs ayant une ancienneté supérieure à 5 ans exercent, pour la plupart, des activités plus traditionnelles, dont des activités juridiques et de conseils (2), bancaires et financières (5), informatiques (3) et d’audit (1).

L’industrie a connu une croissance encourageante depuis 2018

De manière générale, l’activité des répondants à l’enquête a connu une tendance croissante depuis 2018. 83 % des répondants à l’enquête estiment que leur activité s’est accrue depuis 2018 (37 % des répondants à l’enquête ont connu une forte croissance).

Ces chiffres sont encourageants et seulement 5 % des répondants à l’enquête ont connu une tendance décroissante depuis 2018. 

Perception de croissance de l’industrie de actifs numériques depuis 2018

Il ressort enfin de l’enquête que l’industrie française des actifs numériques a encore vocation à croître puisque 90 % des répondants souhaiteraient développer des projets en France dans les mois ou années à venir (soit 60 répondants sur 67). Parmi les répondants à l’enquête, certains ont pour projet d’obtenir l’agrément PSAN quand d’autres souhaitent diversifier le développement de leur solution et l’industrialiser. En outre, une partie des répondants souhaitent développer des projets en collaboration avec les institutions publiques.

L’industrie française des actifs numériques a enregistré un nombre insuffisant de levées de fonds en 2020 …

Les résultats de l’enquête démontrent que les acteurs de l’industrie française ont réalisé assez peu de levées de fonds en 2020. 47 % des répondants à l’enquête (soit 32 réponses sur 67) n’ont pas effectué de levées en 2020 et 37 % ont effectué des levées inférieures à 500 000 euros (soit 27 répondants sur 73). 

Évolution des levées de fonds depuis 2018

Parmi les 35 autres acteurs ayant bénéficié d’une levée de fonds, seuls 12 % ont collecté plus de 500 000 euros (8 répondants sur 67).

Ce nombre modeste de levées de fonds au sein de l’industrie française n’est pas une tendance nouvelle, néanmoins celle-ci s’améliore en 2020. Par rapport à 2019, le nombre de levées de fonds supérieures à 500 000 euros par les répondants a même triplé passant de 3 à 9. A contrario, les opérations inférieures à 500 000 euros tendent à décroître (de 32 à 30). Ainsi, les répondants n’ayant pas levé de fonds en 2019 (38) sont moins nombreux en 2020 (34).

Le niveau de financement de la filière française, et plus généralement européenne, des actifs numériques est absolument incomparable avec l’implication des investisseurs américains et chinois. Entre 2015 et 2019, les États-Unis dominent largement en représentant plus de la moitié des financements dans l’innovation crypto/blockchain, suivis par la Chine (18 %). L’Union européenne, et a fortiori la France, peine à atteindre 4 %[mfn]CB Insights, The Blockchain Report 2020[/mfn].

… Portées par une participation notable de l’État au déploiement de l’industrie 

L’État a participé au développement de 63 % des acteurs interrogés par le biais d’aides d’État ou d’autres types d’accompagnements dans leur activité.

Aide de l’État dans les projets

Cet accompagnement de l’État peut être direct ou indirect. Les aides octroyées sont diverses : certains acteurs ont bénéficié d’une Bourse FinTech (5 acteurs répondants), d’un prêt BPI (8 acteurs répondants), d’un prêt garanti par l’État (4 acteurs répondants) ou d’un crédit impôt recherche (4 acteurs répondants). À moindre échelle, quelques répondants ont décroché le statut de jeune entreprise innovante (JEI), ont obtenu un crédit impôt innovation ou ont été lauréats de concours (tel que le concours BPI innovation).

A noter que l’enquête conduite par l’Adan au premier trimestre 2020 sur l’état de l’industrie crypto/blockchain pendant la crise de la COVID-19 a montré que les acteurs ont peu compté sur les mesures de soutien exceptionnelles mises en place par l’État. En effet, près de 60 % des participants à cette enquête ont témoigné n’avoir demandé aucune de ces aides, que ce soit celles pour les start-ups ou pour l‘ensemble des entreprises. Pour ceux qui en sollicitent, celles-ci ne leur sont pas souvent accordées : près de 89 % des requêtes pour des aides « start-ups » et le tiers des demandes pour des aides ouvertes à toutes entreprises ont été refusées aux acteurs « crypto » ou n’ont pas été traitées.

La diversité des activités au sein de l’industrie

Cette diversification de l’industrie est liée d’une part à la pluralité des activités commerciales, destinées tant aux professionnelles qu’aux consommateurs et d’autre part aux différents cas d’usages que propose les technologies blockchain.

Les acteurs ciblent tant une clientèle professionnelle que de particuliers

L’enquête montre une diversité de business models qui se répartissent de manière équilibrée entre les services destinés aux professionnels et les services où le client final est un particulier.  

Activité des acteurs du secteur des actifs numériques

En effet, une part importante des répondants à l’enquête (54 réponses sur 101) propose des services aux professionnels/institutionnels (B2B). Parmi les acteurs interrogés, 46 d’entre-eux proposent aussi leurs services à une clientèle de particuliers (répartie de manière homogène entre le B2C et le B2B2C).

Une utilisation prépondérante des réseaux blockchains ouverts et publics par les acteurs de l’industrie

La majorité des répondants à l’enquête s’appuie sur les réseaux blockchain ouverts et publics pour le déploiement de leur activité.

Répartition de l’utilisation de blockchains « publiques » et « privées »

Parmi les 67 répondants, 69 % (46 répondants) exploitent des blockchains dites « publiques », alors que seulement 31 % (21 répondants) utilisent des réseaux blockchain dits « privés ».

Les prestataires de services sur actifs numériques (PSAN) 

L’industrie compte un nombre important de PSAN

Le régime PSAN est entré en application en 2020. Depuis le 18 décembre 2020, les PSAN assurant la conservation d’actifs numériques de leurs clients et/ou l’achat-vente d’actifs numériques contre de la monnaie ayant cours légal ne peuvent plus exercer auprès du public français sans s’enregistrer auprès de l’Autorité des marchés financiers (AMF). À partir du 10 juin 2021, il en sera de même pour les prestataires permettant l’échange d’actifs numériques contre d’autres actifs numériques pour compte de tiers et/ou opérant une plateforme de négociation. En marge de cet enregistrement obligatoire, les PSAN peuvent demander un agrément optionnel plus contraignant.

La présente enquête révèle que les PSAN représentent une partie non-négligeable des acteurs français. En effet, 21 % (soit 14 répondants sur 67 des répondants) sont des PSAN.

Les services fournis par les PSAN répondants sont nombreux et englobent l’entièreté des services visés à l’article L. 54-10-2 du Code monétaire et financier (voir encadré ci-contre). La plupart des PSAN ayant répondu à l’enquête fournissent plusieurs services. Cette pluridisciplinarité n’est pas une caractéristique propre au marché français. Cependant en France, la loi Pacte énonce que chaque service fourni nécessite un enregistrement ou un agrément distinct.

La majorité des PSAN (répondants à l’enquête) fournissent un service d’achat ou de vente d’actifs numériques en monnaie ayant cours légal (57 % des PSAN répondants soit 8 sur 14). 

Services proposés par les PSAN

La moitié des PSAN fournissent un service de conservation d’actifs numériques (50 % soit 7 PSAN répondants sur 14).

Une partie conséquente des PSAN fournit un service d’échange d’actifs numériques contre d’autres actifs numériques (36 % soit 5 PSAN répondants sur 14).

Enfin, certains PSAN exploitent une plateforme de négociation d’actifs numériques (14 % soit 2 PSAN répondants sur 14). Un dernier PSAN fournit l’un des autres services prévus à l’article L. 54-10-2 point 5 du Code monétaire et financier.

Concernant les PSAN enregistrés 

Pour rappel, depuis le 18 décembre 2020, les PSAN doivent obligatoirement être enregistrés auprès de l’AMF pour la fourniture de services de conservation d’actifs numériques et d’achat ou de vente d’actifs numériques en monnaie ayant un cours légal.

PSAN enregistrés ou en cours d’enregistrement

Cet enregistrement doit se faire préalablement au début de l’activité. L’enregistrement délivré par l’AMF ne concerne qu’un service. Ainsi, si un PSAN délivre plusieurs services (par exemple conservation et achat‑vente), il devra s’enregistrer à plusieurs reprises.

En sus, l’ordonnance du 9 décembre 2020[mfn]Ordonnance n° 2020-1544 du 9 décembre 2020 renforçant le cadre de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.[/mfn] a imposé aux PSAN fournissant le service d’échange d’actifs numériques contre d’autres actifs numériques (dit crypto-to-crypto) de s’enregistrer auprès de l’AMF[mfn]Avant le 10 juin 2021 pour les acteurs exerçant déjà cette activité et avant le début de toute activité pour les projets créés après le 9 décembre 2020.[/mfn].

L’enquête met en lumière le fait que la grande majorité des PSAN sont désormais enregistrés ou en cours d’enregistrement auprès de l’AMF[mfn]La liste des PSAN enregistrés est tenue à jour sur le site de l’AMF[/mfn]. En effet, parmi les PSAN répondants à l’enquête, 86 % d’entre eux sont enregistrés ou sont en cours d’enregistrement (soit 12 PSAN sur 14). Lors de la finalisation de ce rapport, 5 prestataires ont obtenu leur enregistrement auprès de l’AMF. Il convient aussi de préciser que l’un des 14 répondants à l’enquête a cessé son activité au moment de la rédaction de ce rapport, pour des raisons étroitement liées aux constats et difficultés synthétisées en partie 2.3 du présent rapport.

L’enregistrement de ces différents PSAN apporte une certaine légitimité à l’industrie et favorise donc son développement, tant auprès des acteurs privés que publics.

Concernant les PSAN agréés

Pour rappel, conformément à l’article L. 54-10-5 du Code monétaire et financier, les PSAN peuvent, de manière optionnelle, solliciter un agrément auprès de l’AMF pour la fourniture de services sur actifs numériques. L’agrément peut être sollicité par tous les services visés à l’article L. 54-10-2 du Code monétaire et financier. 

Procédure d’agrément PSAN initiée

L’enquête révèle que 79 % des PSAN répondants (soit 11 répondants sur 14) ont déjà initié une procédure d’agrément auprès de l’AMF et de l’ACPR.

Contrairement, à l’enregistrement qui constitue la condition sine qua non pour proposer certains services, l’agrément n’est pas nécessaire. En revanche, pour les PSAN non-soumis à l’enregistrement obligatoire (RTO, conseil, gestion de portefeuille…), l’agrément octroie certaines prérogatives commerciales non négligeables telles que l’autorisation du démarchage au public ou le droit d’accès aux comptes bancaires.

En pratique, malgré l’obtention de l’enregistrement par les PSAN, ce droit d’accès aux comptes bancaires ne se matérialise pas. Les conclusions de l’enquête de l’Adan sur l’état des relations entre le secteur bancaire et financier et l’industrie des actifs numériques publiés en octobre 2020 ont révélé les difficultés rencontrées par les acteurs pour ouvrir et garder un compte bancaire, et les échecs expérimentés en tant d’exercer leur droit aux comptes. Ainsi, malgré la désignation de la Banque de France, les établissements bancaires refusent néanmoins d’ouvrir un compte (un seul répondant à l’enquête a notifié avoir réussi). Lorsque les acteurs saisissent l’ACPR, ils n’obtiennent pas l’avis requis pour résoudre la situation. Un répondant à l’enquête a même témoigné que l’Autorité a bloqué la procédure engagée par la Banque de France.

Vision et perception des acteurs sur l’industrie

L’année 2020 a été une année charnière pour l’industrie sur le plan économique. Malgré un climat de récession difficile, les membres de l’industrie des actifs numériques ont sû porter une certaine dynamique de marché et partagent une vision globalement positive sur l’écosystème et son évolution.

Le seul obstacle à leur pérennité semble résider dans les relations entretenues avec les acteurs plus traditionnels. Ces relations auront vocation à s’améliorer en même temps que l’industrie continuera à se développer.

2020 a aussi été marquée par l’application de la loi PACTE et par la volonté de créer un cadre réglementaire européen dans le secteur des actifs numériques. Cette initiative illustre l’évolution d’un secteur initialement dérégulé et ayant connu une démocratisation progressive. À cet égard, les avis portés par les membres de l’industrie sont très hétérogènes: tant concernant la vision portée sur l’écosystème, que concernant les spécificités de la législation française.

Le regard porté par les acteurs sur l’industrie

Les acteurs portent un regard plutôt positif sur l’écosystème des actifs numériques

La majorité des répondants ont un avis positif voire très positif concernant l’écosystème des actifs numériques en France. En effet, 73 % des répondants (soit 47 répondants sur 65) considèrent que l’écosystème se porte bien (parmi ces répondants, 11 % considèrent que l’écosystème se porte très bien). 

Activité des acteurs du secteur des actifs numériques

L’écosystème affirme se porter mieux par rapport à 2019

Le marché des actifs numériques a connu une croissance économique exponentielle depuis 2019, et ce, malgré la crise en 2020. Les réponses communiquées par les acteurs de l’industrie s’inscrivent dans cette tendance puisque 54 % des acteurs (soit 35 répondants sur 65) ont affirmé que l’écosystème se portait mieux en 2020 qu’en 2019 (parmi ces 54 %, 9 % ont pu affirmer que l’écosystème se porte bien mieux par rapport à 2019).

L’évolution de l’écosystème par rapport à 2019

Si certains acteurs ont pu estimer que l’écosystème se portait à l’identique de 2019 à 2020, seule une minorité des répondants a un avis  pessimiste sur l’évolution du marché par rapport à 2019.

Les acteurs adoptent une vision optimiste du marché à long terme

Enfin, le présent rapport démontre l’optimisme des répondants quant à l’avenir de l’industrie. En effet, 72 % des répondants (soit 48 répondants sur 67) ont une vision positive du marché sur le long terme (parmi ces réponses positives 27 % ont une vision très positive du marché). 

Vision long-terme du marché français

Néanmoins, ces aspects principalement optimistes – sur l’écosystème en général, son évolution, la vision à long terme sur les marchés – doivent être mis en perspective et nuancés par des perceptions plus négatives portées par les personnes interrogées sur certaines thématiques précises (voir la prochaine section).

Ressenti des acteurs sur l’environnement des actifs numériques en France

Une défiance manifeste de l’industrie concernant le cadre réglementaire et fiscal applicable aux actifs numériques en France

L’enquête met en lumière la méfiance des acteurs de l’industrie des actifs numériques vis-à-vis du cadre réglementaire et du régime fiscal français en vigueur.

  • 77 % des répondants critiquent le cadre fiscal applicable aux acteurs de l’industrie (parmi les 51 répondants considérant le régime fiscal français défavorable, un tiers soit 33,33 % le qualifie de « très défavorable »). Certains répondants mettent en exergue le caractère complexe du régime fiscal qui s’avère parfois incompréhensible et mal défini
  • S’agissant du cadre réglementaire français (cela concerne principalement la réglementation des offres au public de jetons et la réglementation des PSAN), les avis sont plus nuancés. En effet, 44 % des répondants à l’enquête (soit 26 répondants sur 66) qualifient de « favorable » ce cadre réglementaire et soulignent la volonté qu’il soit stabilisé. En revanche, 56 % des répondants le qualifient de  « défavorable » (parmi les 37 répondants défavorables, 19 % sont « très défavorables », soit 7 répondants) car ils le considèrent trop contraignant. 
Avis des acteurs vis-à-vis du cadre réglementaire et du régime fiscal en vigueur

L’enquête révèle que les relations entre les membres de l’industrie et les autres acteurs sont encore perfectibles

Dans le développement de leur projet, la plupart des acteurs de l’industrie des actifs numériques entretiennent des relations avec des acteurs publics et privés. Si l’avis des répondants est relativement tranché concernant leurs relations avec le secteur bancaire et financier, leur constat est plus mesuré concernant le secteur public et les acteurs du numérique.

L’enquête met une nouvelle fois en lumière les relations complexes entre les acteurs de l’industrie et les acteurs privés tels que les banques, les fonds d’investissement ou les assurances. En effet, 74 % des répondants (soit 49 répondants sur 66) qualifient les relations avec les acteurs privés de défavorables pour le déploiement de l’industrie. Parmi ces répondants, 43 % d’entre eux estiment qu’elles sont très défavorables pour l’industrie.

Les relations entretenues avec les acteurs publics tels que les régulateurs, les superviseurs ou les décideurs sont difficiles. En effet, 50 % des répondants (soit 33 répondants sur 66) estiment qu’elles sont favorables au développement de l’industrie. A contrario, 44 % des répondants affirment que les relations avec les acteurs publics sont défavorables, voire très défavorables (8 % des répondants) à l’épanouissement des acteurs des actifs numériques. 

Relations entre l’industrie des actifs numériques et les autres secteurs

S’agissant des relations avec les acteurs du numérique (principalement les GAFAM), 35 % des répondants (23 répondants sur 66) estiment que les relations établies sont favorables au développement de l’industrie et 33 % (22 répondants sur 66) affirment que ces relations sont défavorables pour la progression de l’industrie. Enfin, 32 % des répondants (21 répondants sur 66) n’entretiennent pas de relations avec les acteurs du numérique.

Le ressenti des acteurs sur l’image des actifs numériques et l’accès au financement en France est majoritairement négatif

Concernant en premier lieu l’image des actifs numériques en France, 68 % des répondants (soit 44 répondants sur 65) constatent une perception négative qui s’avère défavorable au développement de l’industrie. Parmi ces 68 %, 23 % affirment que l’image des actifs numériques véhiculée en France est très défavorable pour le développement de l’industrie. Cette mauvaise image de l’industrie est principalement due au fait que ces actifs sont encore considérés à ce jour comme des outils privilégiés permettant de financer les opérations terroristes et blanchir des capitaux.

Ressenti des acteurs sur l’image des actifs numériques et l’accès au financement

 Concernant en second lieu l’accès au financement, l’industrie des actifs numériques rencontre également des difficultés de financement en fonds propres, avec une faible offre de fonds de capital-risque investis dans ce domaine[mfn]Rapport du Gouvernement au Parlement présentant la mise en œuvre de la loi Pacte et l’opportunité d’une évolution des dispositions applicables aux prestataires sur actifs numériques – Commentaires de l’Adan[/mfn]. Ainsi, 73 % des répondants (soit 48 répondants sur 66) considèrent que l’environnement français des actifs numériques ne favorise pas l’accès au financement pour les acteurs de l’industrie. Parmi ces 73 %, 46 % considèrent que l’accès au financement est très défavorable pour l’industrie.

Les constats tirés par les acteurs sur le régime PSAN

De manière générale, seule une minorité des acteurs a un avis positif sur le régime PSAN en France

La moitié des PSAN répondants ont un avis neutre sur le régime PSAN. Mais l’enquête met aussi en exergue une certaine réticence vis-à-vis de ce statut légal.  

Avis sur le régime PSAN

En effet, 29 % des PSAN interrogés (soit 4 PSAN sur 14) ont un avis négatif ou très négatif sur ce cadre réglementaire.Seulement 21 % des PSAN répondants (soit 3 répondants sur 14) ont un avis positif sur ce régime censé faciliter le développement économique de ces acteurs.

En synthèse, les acteurs considèrent que la procédure d’enregistrement est trop complexe. 

Avis sur la procédure d’enregistrement au régime PSAN

En synthèse, les acteurs considèrent que la procédure d’enregistrement est trop complexe : 64 % des PSAN la considèrent comme compliquée (soit 9 répondants sur 14) et 21 % comme très compliquée (soit 3 répondants sur 14).

Les raisons de ces difficultés sont les suivantes :

  • Certains répondants mettent notamment en lumière le caractère inadapté des règles de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme car les obligations sont calquées sur celles appliquées au système financier classique. D’autres soulignent que ces obligations se sont vues renforcées ces derniers mois, notamment concernant l’identification des relations d’affaires à distance. Certaines exigences additionnelles, formulées par les autorités de régulation ne sont pas toujours proportionnelles et adaptées au regard des activités portées par les PSAN, et du niveau de risque associé. Ces demandes répétées deviennent très coûteuses pour ces entreprises encore naissantes.
  • Certains répondants dénoncent les difficultés concernant la conclusion du dossier PSAN. Les négociations ont parfois fini par aboutir à une forte restriction des actifs proposés à la commercialisation. Les justifications pour l’obtention de l’enregistrement sont considérées comme trop excessives et se rapprochent des exigences de l’agrément pour certains acteurs. La formulation de telles questions par les autorités est compréhensible dans la mesure où, au moment de la réception du dossier, les autorités doivent constater et, le cas échéant, notifier l’absence d’éléments constitutifs et/ou le besoin de précisions additionnelles pour s’assurer que ceux déjà reçus sont bien ceux attendus.
  • Certains répondants se plaignent aussi de la lenteur des administrations et du manque d’expérience de certains interlocuteurs vis-à-vis du secteur des actifs numériques. La fréquence de réponses des autorités dépend évidemment de la complexité du dossier mais certains acteurs ont fait part d’une absence de réponses jusqu’à 4 mois.

La perception négative des acteurs sur la procédure d’agrément s’inscrit dans la logique des constats portant sur l’enregistrement

S’agissant de la procédure d’agrément, tous les PSAN répondant à l’enquête ont considéré que la constitution de ce dossier était compliquée (3 répondants) voire très compliquée (3 répondants).

Ressenti des acteurs sur la procédure d’agrément

L’industrie et l’Adan

L’avis des acteurs concernant les travaux de l’Adan en 2020

Depuis sa création en 2020, l’Adan a réussi à fédérer 70 membres de l’industrie des actifs numériques. Les principaux enjeux pour l’association en 2020 étaient d’accompagner les entreprises du secteur dans la crise de la COVID-19 ainsi que dans l’application inédite de la loi PACTE (réglementation des offres au public de jetons et des PSAN).

En synthèse, les acteurs de l’industrie des actifs numériques ont considéré que les principaux travaux de l’Adan en 2020 étaient les publications (à 28 % soit 50 réponses sur 180), suivis par les groupes de travail (à 23 % soit 42 réponses sur 180) et les enquêtes (à 22 % soit 41 réponses sur 180). En outre, les conférences et événements organisés par l’Adan ont permis d’accompagner efficacement l’industrie des crypto-actifs dans son déploiement. 

Centres d’intérêt des acteurs vis-à-vis les travaux de l’Adan

71 % des répondants considèrent que les actions menées par l’Adan ont eu un impact pour le déploiement de l’industrie (évalué entre 3 et 5 sur l’échelle proposée allant de 0 à 5). La plupart des travaux de l’Adan sont librement consultables sur son site Internet.

Bilan des acteurs de l’industrie sur les travaux de l’Adan en 2020

Les axes d’amélioration de l’Adan pour 2021

Le rapport d’enquête révèle que l’Adan s’est intéressée de façon pertinente aux contraintes rencontrées par les acteurs de l’industrie des actifs numériques.

En effet, 77 % (soit 48 sur 62) des répondants à l’enquête ont considéré que les problématiques qu’ils avaient rencontrées dans le cadre de leur activité avaient été traitées par l’Adan en 2020. 

Pour 96 % d’entre eux (soit 18 répondants sur 19), les travaux menés par l’Adan en 2020 sont satisfaisants (35 % soit 8 répondants, sont même très satisfaits des travaux de l’Adan). 

L’avis des acteurs concernant les travaux de l’Adan en 2020

Les chantiers prioritaires pour l’association en 2021, selon l’industrie

Pour 2021, les attentes des acteurs de l’industrie des actifs numériques envers l’Adan sont multiples. Globalement, ces attentes rentrent dans le cadre des travaux déjà menés par l’association en 2020.

  • L’attente principale des acteurs vis-à-vis de l’Adan en 2021 est d’améliorer l’image des actifs numériques. 57 % des répondants (36 répondants sur 63) de l’industrie souhaitent que l’Adan continue ses travaux sur ce point.
  • De plus, 54 % des répondants (34 répondants sur 63) souhaitent que l’Adan continue de développer des missions pédagogiques auprès des autorités. Ces missions permettent d’assurer la mise en place d’un cadre réglementaire adapté, qui favorise l’innovation et le déploiement de l’industrie en France. 
  • Sur le plan règlementaire, la plupart des répondants à l’enquête réclament que l’Adan participe à la construction de la réglementation européenne des actifs numériques. Le 7 octobre 2020, l’Adan avait présenté et analysé les deux propositions de règlements applicables aux « crypto-assets » de la Commission européenne, publiés dans le cadre de son Digital Finance Package paru le 24 septembre dernier. Elle a constitué une initiative dédiée avec des homologues européens, l’EUCI. Également, sur le plan domestique, les répondants saluent les avancées de l’Adan en 2020 et encouragent encore en 2021 l’accompagnement des acteurs français dans le développement des évolutions de la loi PACTE et la contribution de l’association à la mise en place du régime fiscal des actifs numériques.
  • Outre ces trois travaux prioritaires, les acteurs ont majoritairement confirmé l’importance de tous les chantiers menés par l’Adan pour favoriser une image plus positive des actifs numériques et de l’industrie auprès du secteur privé traditionnel, tels que les missions pédagogiques auprès des acteurs en place, ainsi que l’amélioration des relations avec les acteurs « non crypto ». 
Chantiers prioritaires pour l’association en 2021, selon l’industrie

Conclusion

La résilience de l’industrie des actifs numériques face à la crise économique de 2020 prouve la démocratisation d’un secteur qui ne peut plus être considéré comme naissant. À bien des égards, la présente enquête témoigne du potentiel présent et futur de l’industrie.

Mais l’enquête met aussi en exergue les points de faiblesse de l’industrie française. Une réglementation jugée parfois trop contraignante et des relations complexes avec les acteurs traditionnels en sont les principales justifications.

C’est pourquoi, en 2021, l’Adan reste mobilisée afin de représenter et porter l’industrie des actifs numériques. En continuant les chantiers engagés dès sa création, et en amorçant de nouveaux travaux, l’Association souhaite lever les blocages au développement des acteurs (image, réglementation, fiscalité, acceptation par le système traditionnel, etc.) et ainsi faciliter l’émergence de champions français compétitifs sur le plan européen et international. Les activités de l’Adan en 2020 et la vision de l’Association pour 2021 seront précisés dans son tout premier rapport annuel.